Discours du 1er mai à Fleurier de Silvia Locatelli, secrétaire régionale UNIA, socialiste
Ouvrons une parenthèse, arrêtons-nous un instant, fermons les yeux et imaginons…
Nous sommes le 1er mai 2021…le monde est serein.
Nous sommes dans une société de l’égalité des chances dans laquelle chacune et chacun trouve sa place.
La prise de conscience des effets dévastateurs sur le plan social comme environnemental de l’hyperconsommation et de l’hyper-profit a été le moteur du changement.
Ce nouveau paradigme a permis l’évolution des méthodes de production, la prise en considération des travailleuses et travailleurs et celle des personnes les plus fragilisées par le système.
L’humain et son contexte réel ont été remis au centre des réflexions et des stratégies économiques.
Les bénéfices financiers engendrés ont été réinvestis dans l’amélioration des outils et des conditions de travail.
Les écarts salariaux ont été drastiquement réduits permettant ainsi d’élever les revenus des travailleuses et travailleurs…le problème de l’égalité salariale n’en est plus un car les femmes sont reconnues.
La baisse du temps de travail a permis de :
- mieux concilier vie professionnelle et familiale,
- de rééquilibrer les tâches,
- de générer de nouvelles places de travail et plus de sérénité avec un apport qualitatif important.
Quant aux territoires…ils ont laissé la place à la solidarité avec un contexte permettant de donner une véritable place à toutes celles et ceux qui sont venus pour chercher la sécurité y compris financière.
Chères et chers camarades,
Ouvrons maintenant les yeux, et revenons à notre 1er mai 2021 car cette société idéale à laquelle nous aurions du tendre depuis longtemps n’est hélas pas notre réalité.
Alors que nous avons déjà pratiquement atteint le quart de ce XXIème siècle, nous vivons encore et toujours et je dirai même, plus qu’avant, dans une société dont tous les codes ont été fondés sur l’hyperconsommation motivée par le profit des plus nantis au détriment de l’immense majorité et de notre environnement.
Pourtant, ces valeurs idéales sont celles qui nous portent depuis les prémices de ce qui est devenu une société ultralibérale.
Mais au lieu de prendre le virage qui s’imposait nous nous sommes enfoncés tant et bien dans une logique qui accroît chaque jour
- les écarts salariaux,
- les inégalités entre hommes et femmes,
- la pression sur les lieux de travail… accompagnée de la menace croissante de la perte d’emploi
- et l’appauvrissement de celles et ceux qui étaient déjà les plus fragiles et précaires
- ou qui selon les codes de la société actuelle n’ont plus leur place car ils n’entrent pas dans les carcans imposés par les logiques capitalistes.
Soyons clairs, tout cela est une histoire de talent.
Le talent de ceux qui font croire à une partie de la population que leur intérêt particulier sert forcément l’intérêt collectif.
Il n’y a en réalité pas de plus grande hypocrisie et de tromperie que de prétendre cela et pourtant le discours est rôdé et a permis de mettre en place tous les instruments qui aujourd’hui tendent à enfermer la collectivité dans une fuite en avant.
Voilà un discours sombre que je vous livre, soyez sûrs que cela ne me fait pas plaisir.
Cependant, depuis quelques mois des grains de sable viennent gripper cette mécanique mise en place : les grains du ras le bol et de la contestation.
Ces grains sont violets comme le soulèvement des femmes du monde entier contre une société enfermée dans une logique ségrégationniste et patriarcale.
Ces grains sont verts comme le cri d’alarme lancé par notre jeunesse dénonçant les excès qui mettent en péril l’avenir de notre planète et par la même leur propre avenir.
Ces grains sont multicolores comme la mobilisation de toutes celles et ceux qui ont décidé de ne plus être invisibles et ce quels que soient leur origine, leurs croyances, leur genre ou leur non-genre.
Ces grains sont enfin noirs. Noirs comme le blackout que subit notre planète depuis qu’une saleté de virus a décidé de s’imposer à nous et chambouler nos vies.
Noirs comme la colère de celles et ceux qui se sont une nouvelle fois retrouvés fragilisés par une crise qu’on peine à maîtriser.
Noirs encore comme le système qui a justement permis cette fragilisation.
J’ose croire que si nous sommes ici aujourd’hui après des mois d’isolement imposés par les circonstances, si nous sommes ici aujourd’hui en affrontant l’obstacle de la peur de nous réunir ce n’est pas seulement pour rendre hommage aux travailleuses et travailleuses du monde entier mais aussi pour manifester haut et fort notre indignation collective.
L’indignation de voir que les fronts peinent à bouger malgré les soulèvements.
L’indignation de constater qu’alors que l’issue de la crise sanitaire semble se dessiner, elle laisse derrière elle un profond désastre social.
L’indignation de savoir que si le virage avait été pris dès les premiers signaux d’alerte, ce désastre n’aurait pas eu la même ampleur.
L’indignation que celles et ceux qui ont été au front de cette crise, particulièrement des femmes et des personnes issues de la migration n’en sont aujourd’hui pas remerciées.
Pire, malgré la visibilité donnée par le COVID aux failles importantes du système, le statut de cette partie de la population s’est encore précarisé, les inégalités salariales se sont accrues et la pression en est d’autant plus importante.
Camarades, cette crise doit définitivement être le facteur déclencheur de la construction d’une nouvelle ère.
Les luttes, les grains de sable que j’ai évoqués tout à l’heure doivent être réunis pour enfin créer la voie du changement, celui d’un nouveau départ social.
Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que nous croyons à ce nouveau départ.
Mais cette lutte ne concerne pas uniquement les personnes présentes. Elle doit s’étendre au-delà et donner enfin la parole à toutes celles ceux que le système a rendus muets.
Il n’y rien de nouveau dans cette volonté de changement, c’est une histoire séculaire qui porte les valeurs que nous défendons depuis longtemps.
Notre force réside dans cette histoire mais encore faut-il pouvoir la connaître et la partager.
C’est pour cela que nous nous voyons aujourd’hui : pour que notre cri soit entendu et partagé.
C’est aussi pour cela qu’en marge de la manifestation, nous inaugurons une bibliothèque syndicale construite avec les forces vives présentes au sein du groupe migration d’Unia accompagné par Derya Dursun.
Un groupe qui a fait sienne cette histoire et que je tiens ici, au nom d’Unia et des forces syndicales de notre canton, à remercier chaleureusement et à les applaudir.
Mais c’est maintenant en nous appuyant sur cette histoire que nous allons construire celle de demain avec vous, auprès des travailleuses et travailleurs de notre canton afin de visibiliser la réalité et pas celle à laquelle veulent nous faire croire le patronat et les bourgeois.
Ce printemps sera celui des luttes.
- Mercredi dernier, nous étions devant le géant orange leader de la grande distribution helvétique pour dénoncer publiquement le traitement subi par ses employé-e-s.
- Le 12 mai, nous serons dans la rue pour rappeler que les travailleurs et les travailleuses des soins méritent une reconnaissance qui leur est refusée par des employeurs qui sont en train de tenter d’affaiblir drastiquement la CCT santé 21.
- Le 17 mai, nous nous afficherons notre soutien aux mouvements luttant contre les discriminations des personnes LGBTIQ+.
- Le 21 mai, nous manifesterons pour un avenir conscient de notre environnement.
- Le 14 juin, nous serons dans la rue pour rappeler que oui les femmes ont le droit de vote depuis 50 ans, oui les femmes sont aujourd’hui majoritaires au parlement, mais non le combat pour l’égalité et le respect des droits des femmes n’est encore de loin pas terminé.
C’est enfin aussi pour cette lutte que le 9 mai prochain lors de l’élection au Conseil d’État nous devons nous mobiliser pour la seule majorité qui ne fera pas reculer l’un des seuls cantons qui a eu le courage de mettre en œuvre le salaire minimum et le premier à avoir une véritable politique d’intégration.
Cette majorité c’est évidemment celle de gauche.
Ne nous cachons pas derrière des mirages, ne nous laissons pas aveugler par nos frustrations et nos différends, et ayons en tête ce que signifierait concrètement de confier les rênes de notre canton a une équipe bourgeoise dont la vacuité de son programme est uniquement contrebalancée par sa volonté de rendre le système que j’ai dénoncé tout au long de mon discours encore plus pénalisant pour les travailleuses, les travailleurs mais aussi pour celles et ceux qui se sont retrouvé-e-s exclu-e-s.
Voter est un devoir que nous devons assumer si nous voulons contribuer au changement.
Camarades, la lutte n’a pas commencé aujourd’hui mais c’est aujourd’hui qu’elle doit trouver un nouvel élan ensemble manifestons nous pour un nouveau départ social, un départ solidaire et pour que nos utopies de hier deviennent les réalités de demain.